Une politique qui ne fait pas de bruit, le gouvernement du Québec vient de publier sa nouvelle politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire.
Qu’est-ce que ça va changer sur les aspects bruit des nouveaux projets de développements résidentiels?
Dans sa nouvelle politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire, le gouvernement du Québec suggère un contrôle accru des niveaux de nuisances sonores à l’extérieur et à l’intérieur des bâtiments. Plus spécifiquement, les niveaux de nuit sont plus sévères et font maintenant appel à un autre critère de bruit nommé Lden. En effet, Le Lden ou Niveau Day Evening Night est une moyenne sur 24h, mais avec une pondération de +5 dB le soir et +10 dB la nuit.
Cependant, voici ce qui change :
Ancienne politique | Nouvelle politique | Commentaires | Avantage | Enjeux | |
---|---|---|---|---|---|
Bruit extérieur |
LAeq,24h < 55 dBA Le LAeq,24h est une moyenne de bruit sur 24h |
Lden < 55 dBA Le Lden ou Niveau Day Evening Night est une moyenne sur 24h, mais avec une pondération de +5 dB le soir et +10 dB la nuit |
- La nouvelle politique est 4.3 dB* plus contraignante que l’ancienne. Ce qui équivaut à 2.7 fois moins de trafic |
- Moins de bruit autorisé dans les espaces extérieurs (balcon, basilaire, etc.) donc meilleur climat sonore |
- Dans les centres urbains, les niveaux sonores Lden sont quasi systématiquement supérieurs à 55 dBA |
Bruit intérieur |
LAeq,24h < 40 dBA Le LAeq,24h est une moyenne de bruit sur 24h |
Ld < 40 dBA Le Ld est une moyenne de bruit 12h de jour |
- La nouvelle politique est 2 dB plus contraignante que l’ancienne en termes de moyenne pour 24h. |
Moins de bruit autorisé dans les espaces intérieurs donc meilleur climat sonore et moins de risque de perturbation du sommeil |
- Augmentation de l’insonorisation des façades et des fenêtres en particulier |
* D’après une étude Soft dB, dont les résultats sont présentés graphiquement ci-dessous.
Vérifications des effets de la nouvelle politique sur les niveaux sonores des espaces extérieurs
La réalité en chiffres maintenant, tirés de centaines de jours de mesures dans des environnements urbains, suburbains et ruraux.
Comme vous pouvez le constater:
- Seules les zones rurales respectent Lden 55 dBA (en vert), et encore, pour les résidences éloignées des grands axes routiers;
- Certaines zones urbaines et suburbaines passaient sous le LAeq 55 dBA de l’ancienne politique, mais aucune sous le Lden de la nouvelle politique pour les espaces extérieurs;
- Plus la durée de la mesure est grande (plusieurs jours vs 24h), plus le climat sonore est représentatif d’une moyenne de long terme, tandis qu’une mesure 24h présente plus de variations.
Dépendamment de la formulation des règlementations qui suivront la nouvelle politique et de la rigueur dans l’application de ces règlements, nos villes pourraient-elles perdre le droit de construire des espaces de vie extérieurs?
Car, il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas demain la veille que nos villes feront moins de Lden 55 dBA. À titre d’exemple, on peut citer les chantiers interminables à Montréal, le bruit autoroutier qui ne diminuera pas, même avec l’arrivée des autos électriques (car c’est le bruit du contact pneu-chaussée qui prédomine au-dessus de 30 à 40 km/h pour des véhicules légers)…
De plus, la densification urbaine (bonne pour l’environnement) fait que nous construisons des nouveaux développements résidentiels où il reste de la place, c’est-à-dire près des trains, des routes, des ponts, des ports, etc., bref, plus proche des endroits plus bruyants.
Dans certains cas, des mesures de mitigation sont possibles, pour protéger les espaces extérieurs, mais parfois c’est plus difficile, voire impossible, en particulier dans des centres urbains fortement peuplés où on ne peut pas se permettre de construire des écrans acoustiques comme ceux qu’on voit le long des autoroutes!
Nos ingénieurs sont créatifs, mais il y a des limites à la physique de la propagation des ondes… Donc que faire? Interdire les usages extérieurs en contexte urbain ou les autoriser en mettant des clauses de non-respect des politiques dans les contrats de ventes comme c’est le cas en Ontario? Question de point de vue et de sensibilité personnelle au bruit, car certains préfèreront avoir un balcon, même s’il ne respecte pas la nouvelle politique du gouvernement du Québec sur l'architecture et l'aménagement du territoire.
Variation des exigences sonores pour les espaces intérieurs
Le respect des limites de bruit intérieur est moins inquiétant, car la nouvelle politique est seulement 2 dB plus contraignante que l’ancienne. Ce resserrement des orientations aura un effet sur les projets des promoteurs qui devront augmenter la performance d’insonorisation des façades et du vitrage en particulier.
Pour des bâtiments avec un ratio de fenestration donné dont le niveau en façade serait de 60 dBA Leq,24h, on peut s’attendre à une augmentation de 4mm dans l’épaisseur du verre recommandé pour atteindre le niveau cible en intérieur selon la nouvelle politique.
Une différence de 2dB peut même entrainer la recommandation d’un verre plus costaud en termes de performance acoustique, comme le verre laminé (même verre utilisé pour les pare-brise de nos voitures).
Mesures des niveaux sonores à l'aide d'un sonomètre classe 1 développé par Soft dB
Quoi faire avec les nouvelles exigences sonores de la politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire?
La première étape est de s’adjoindre les services d’un ingénieur acoustique pour faire une analyse du climat sonore applicable à chaque projet. Ce climat sonore va déterminer quels types de mesures d’atténuation doivent être mis en place pour rencontrer les nouvelles exigences sonores Lden.
Par exemple, nous observons souvent une idée reçue que le triple vitrage possède de bonnes performances, mais attention, dans la plupart des cas, il faut bien mieux un double vitrage bien dimensionné. Le choix des bons agencements de matériaux pour l’insonorisation aura un impact sur les coûts de construction et donc sur les prix de construction des condos ou des maisons, mais au moins, c’est facilement faisable.
Un défi plus important risque d’être lié aux exigences de limitations aux zones extérieures qui ont des contraintes sonores plus grandes et qui exigeront possiblement des méthodes de contrôle à la source du bruir routier ou l’aménagement géométrique des espaces de vie afin de mieux les protéger du bruit.
Rédacteurs de l'article :
Anthony Gérard, ing., Ph. D.
Directeur de la Consultation acoustique chez Soft dB
514 727-3800 poste 324
[email protected]
Quentin Lerognon, ing.
Chargé de projet, spécialiste en développement résidentiel
514 727-3800 poste 339
[email protected]